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Les multiples messages du carnaval de Rio.

Dernière mise à jour : 30 juin 2020

Le carnaval est, avant tout, un feu d’artifice de joie et de couleurs, une véritable célébration à la vie. Incroyable moyen d’expression, il est aussi un reflet du Brésil, avec ses doutes, ses rêves et ses contradictions.

Le carnaval ne se résume pas à des défilés hauts en couleur, à des chars colorés, à des paillettes et des danseuses sexy. Bien avant la semaine qui lui est consacrée, les Cariocas se réunissent dans des "blocos" organisés par les écoles de danse. Ces rassemblements de rues, où la musique coule à flots comme la bière, donnent le rythme, forcément aussi joyeux qu’irrésistible, à toute la ville. Riosemble alors s’arrêter. Les Brésiliens ne travaillent plus et partent en vacances. En dehors des lieux de festivité, on s'étonne des rues désertes et des matins calmes. C’est que tout le monde dort pour repartir le soir de plus belle... Les Cariocas revêtent alors leurs plus beaux habits de fête. Des déguisements qui, bien loin des costumes traditionnels, sont aujourd'hui représentatifs de tendances et des thèmes sociaux.



Des jeunes cariocas réunis dans un “bloco”.

LE CARNAVAL STIMULE  L’INDUSTRIE DU TEXTILE…

Dans la période pré-carnaval, plusieurs événements « mode »surle thème carnavalesque

apparaissent. Dès lors, les boutiques de vêtements ouvrent leur gamme spéciale pour les festivités et des magasins éphémères sont lancés partout dans Rio.


Même en sortant du métro, vous tombez nez à nez avec plusieurs stands mettant en vente une panoplie d'accessoires : tutus, maillots de bain, treillis, strass et paillettes. Simple et rapide, tout est fait pour trouver le costume de vos rêves !


Il faut dire que le Carnaval s'impose comme un événement stimulant pour la confection textile. En effet, la production, engagée des mois auparavant, synthétise la créativité et le savoir-faire des créateurs brésiliens.


…ET BOOSTE L'ECONOMIE DE LA VILLE

Mais surtout, l’événement, devenu le symbole de la ville aux yeux du monde, attire des millions detouristes internationaux (10 millions en 2019). Les retombées économiques sont donc immenses. Bon an, mal an, le carnaval génère plus de 700 millions d’euros  à l’économie carioca (740 millions d'euros l’année dernière).

Cette industrie n’a pas échappé à la prolifération de produits festifs importés de Chine. En 2019, les importations se sont élevées à plus de 10 millions de dollars ! A la fin des années 1990, le principal fournisseur du Carnaval était encore le Mexique, mais la formation, la décennie suivante, des BRIC (acronyme désignant un groupe de cinq grands pays au fort potentiel économique : Brésil, Russie, Inde, Chine), a fortement favorisé les partenariats entre les deux pays, évidemment encouragés par des matériaux bons prix et la diversité de l'offre chinoise.


LA SAMBA CITY

Depuis 2004, vous trouvez le quartier général de la production carnavalesque au Samba City où les écoles de samba travaillent d’arrache pieds à la confection de leurs costumes, des décors et à la chorégraphie. Là, demeure une ambiance particulière. On peut être étonné par la proximité des membres de chaque école malgré la rude compétition affichée. Les thèmes de chacun doivent rester dans le plus grand des secrets pour être dévoilés au dernier moment. On retrouve, notamment, les traditionnelles ailes et coiffes de plumes portées par les danseurs entre deux parades qui sont des divisions de personnes habillées du même costume.

Pour ceux qui ne défilent pas, sachez que les déguisements suivent de nouvelles modes à chaque édition. Restez bien informés du style du moment ! L'année dernière la tendance était au néon, cette année c’était tutus et bas résilles ... Le vêtement se veut unisexe, porté aussi bien par les hommes que les femmes et inversement, ce qui permet de laisser s'exprimer la liberté de chacun.


Le travestissement est ainsi un moyen de retirer son masque social pour en revêtir un que l’on choisit.



DES THÈMES TOUJOURS TRÈS POLITIQUES

Tout comme certains défilés de mode, le Carnaval se révèle être un événement tant de plaisir et de fête que d'éducation sur des thèmes sociaux très actuels. Ayant pu assister à la deuxième partie du défilé des "Groupes spéciaux", le lundi 24 février, - la première ayant eu lieu la veille -, nous avons pu le constater de visu.  En prime, cela cristallisait une véritable chance pour nous car parmi ces groupes nous retrouvions les plus belles écoles de samba à parader - le but étant ici de présenter leurs plus impressionnantes créations de costumes et de chars.

Ainsi, au Sambadrome, le costume est souvent l'occasion de faire la critique sociale du pays et de parler d'événements d'actualité. Par exemple, la parade de l'école Sao Clemente présentait une véritable satire de certaines moeurs brésiliennes... entre corruption et fake news, on a admiré un char surplombé d'un Pinocchio géant avec au dos des ficelles comme une allégorie de la manipulation que subit le public brésilien. Sont blâmés ici les médias et les individus qui tirent profit des autres à travers des éléments plus ou moins forts de l'actualité de l'année. Et quels individus ! Perché sur un char, l’humoriste Marcelo Adnet était déguisé en Jair Bolsonaro et imitait le geste caractéristique du chef de l’Etat tout en mimant une arme avec sa main.

Une autre école, Salgueiro, nous immergeait dans le monde du cirque en rendant hommage à Benjamin de Oliveria, le premier clown noir du Brésil. Cet homme a activement participé à la lutte contre le racisme au cours de sa vie.

L'école Unidos Da Tijuca, quant à elle, nous alertait sur la cause environnementale. Le défilé s’est voulu très imagé : entre déguisements en voitures pour signifier le trafic routier fort condensé de la ville, une aile paradant en déchets pour finir par une allégorie de la fonte des glaces avec un ours sur un iceberg surplombant un globe terrestre mis à mal par l’inondation… Puis derrière cette mise en scène du chaos lié au réchauffement climatique s’ajoutait une touche plus positive avec, entre autres, la démocratisation de la plage mêlant toute classe sociale et l’écosystème de la forêt de Tijuca qui représente la plus grande forêt urbaine au monde. Des solutions ont été abordées comme l’utilisation du vélo, le recyclage et l’énergie renouvelable avec des maisons surplombées de panneaux solaires.

Pourtant, malgré ces prises de consciences voulues, le paradoxe demeure puisque l'événement n'est pas des plus eco-responsables. Il a engendré une hausse des déchets de rue de 14% avec 709 tonnes de déchets collectés pendant les festivités, selon la Comlurb (compagnie municipale de propreté urbaine). Le Brésil est le 4e plus grand producteur de déchets plastique alors que ceux-là même sont au centre de problèmes environnementaux majeurs ! Elle est donc encore loin l’époque oùl’écologie fera partie intégrante du carnaval.

Concernant notre ressenti, en dehors de l’ambiance fête que l’on reconnaît si bien aux Cariocas, nous avons apprécié le fait que le Carnaval reste tout de même porteur de sens. Lorsque vous entrez au Sanbadrome, on vous offre un petit livret qui vous explique les thèmes et fils conducteurs ayant aboutis à toutes ces créations. Conseil d’ami pour ceux qui comptent s’y rendre à l’avenir : lisez le, c’est très intéressant... et instructif.





LA MODE ET LE CARNAVAL, UNE INSPIRATION RECIPROQUE

Certes, le Carnaval de Rio s’inspire de la mode et de l’actualité carioca tant il en est une véritable synthèse... mais, a contrario, étant le plus grand carnaval au monde (une soirée au Sambadromedure 9h, il y a intérêt à être préparé physiquement !), celui-ci inspire aussi de grandes marques de par son ambiance inégalable et les costumes traditionnels.

On retrouvait ainsi déjà une pointe carnavalesque dans les maquillages à plumes de Christian Dior (2008) par la maquilleuse britannique Pat McGrath. C'est le cas aussi de Victoria Secret, l'entreprise de lingerie américaine et ses fameuses ailes que portent les "anges" lors de ses défilés. Une ligne fortement inspirée du Brésil avec ses coupes "bikini" ou ses culottes dites "brazilian". On compte aussi, parmi ses mannequins les plus connues, deux Brésiliennes, Alessandra Ambrosio et AdriamaLima (qui aujourd'hui ne défilent plus après avoir longtemps arpenté les podiums de la marque).

On notera qu’aujourd’hui le style carioca influence également  des marques de sport tel qu’Adidas, reprenant  les motifs tropicaux et les couleurs fluos propre à Rio, cette ville qui demeure dans la tête de beaucoup, synonyme de soleil, de football, de danse et de joie.

SOURCES

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