Cela frappe aux yeux dès qu’on s’y promène. L’artisanat envahit la vieille ville comme pour répondre à un tout autre envahisseur : le touriste.
Carthagène. La cité historique est devenue la destination favorite, en Colombie, des visiteurs internationaux qui fuient le froid monotone de l’hémisphère Nord et veulent allier plages paradisiaques (accessibles en 1 heure), chaleur des Caraïbes et jolies façades colorées. Qu’ils débarquent de ces gigantesques paquebots rutilants qui font escale ici à la queue-leu-leu, ou arrivent par avion, tous, à tort ou à raison, sont, aux yeux des commerçants, des acheteurs potentiels.
Loin de la nouvelle ville, le quartier historique est la véritable vitrine de Carthagène, son cœur attractif, celui qui la fait vivre. Alors que chaussures, chapeaux ou encore bracelets à l'effigie de la cité débordent des boutiques, envahissent les rues, d’autres devantures, impeccables, promeuvent des marques colombiennes d’un style chic et bohème. Sans compter les centres dédiés aux créations locales.
LES PRINCIPAUX PRODUITS ARTISANAUX COLOMBIENS
Durant notre séjour, nous sommes allés de découverte en découverte. En bonnes professionnelles, nous avons fait quelques recherches afin de connaître l'origine de ces objets aussi flamboyants qu’originaux pour nos yeux européens. Pour les plus curieux d'entre vous, ce passage devrait vous intéresser !
Le chapeau vueltiao, le symbole du pays, a été l'un des objets les plus aisément trouvables dans les rues et boutiques carthaginoises. Sa fabrication consiste en une méthode de tissage propre à la communauté Zenú dont les symboles, de couleur noire sur beige, sont la reproduction de certains de leurs totems. Le chapeau est fait à base de "canne flèche", une plante caractérisée par de longue branches vertes pouvant atteindre jusqu’à plus de cinq mètres de longueur et dont la forme singulière est à l’origine du nom. Celles-ci deviennent beige au soleil, ce qui donne la couleur de base du fameux chapeau. La couleur noire est obtenue après que ce dernier a été trempé trois heures durant dans du charbon noir puis séché.
Second accessoire qu'on retrouve énormément à Carthagène : les "mochilas", sacs tissés propre au peuple indigène wayúu, fabriqués au crochet. Avec sa forme en « bourse » et ses couleurs saturées, ils sont facilement reconnaissables. Au sein de la tribu wayúu, l'activité de tissage est seulement réservée aux femmes ; navrées messieurs... ! Elles apprennent ce savoir-faire dès leurs premières menstruations, ce moment constituant ainsi un rite de passage à l’âge adulte. D’ailleurs, l’économie de la tribu repose en grande partie sur la fabrication de « mochilas» ce qui confère aux femmes un certain rang social et explique que les wayúus soient organisés en une société matriarcale.
Autre véritable pièce d'art textile, les "molas" captent l'oeil de par leurs couleurs et les formes brodées à la main. Elles sont fabriquées par le peuple Kuna, une tribu venant de Panama dont une partie a émigré au nord de la Colombie. Nous avions tristement déjà entendu parlé d’eux car ils ont pour symbole, au centre de leur drapeau un svastika qui ressemble parfaitement à une croix gammée inversée ; emblème qui a ensuite été repris par les nazis… Les Kunas ont même dû créer des variantes de leur drapeau afin d’éviter l’analogie pesante. Ce symbole de spiritualité reste tout de même très utilisé par les peuples amérindiens : vous pouvez encore l’apercevoir sur leurs textiles aujourd’hui.
En regardant les vitrines de magasins, vous verrez aussi de nombreuses « alpargatas » ou espadrilles en toile qui ont font partie intégrante de la majorité des costumes typiques colombiens voire des pays sud-américains.
Enfin, la spécialité de la région la plus appréciée : ces bijoux d'émeraude, pierre précieuse du pays, qui sont vendus un peu partout dans le centre historique. Mais prenez garde aux faux, les vraies émeraudes ne s'achètent pas partout - comme de nombreux marchands aimeraient nous le faire croire.
OÙ TROUVER SES PRODUITS ?
Tout d’abord auprès des vendeurs ambulants. Difficile de leur échapper tant ils sont partout dans les rues de la vieille ville et viennent nous alpaguer… Comme souvent dans les lieux très touristiques, il n’y a pas de règle, tous les coups sont permis! Entre te poser des chapeaux de force sur la tête ou se poster devant ta caméra pendant que tu prends une vidéo (avec leurs bracelets ou bouteilles d’eau)… tu n’y échapperas pas ! La plupart connaissent les lieux préférés des touristes, et t'attendent “par hasard” devant les musées. Certains ont acquis des talents dignes des plus grands commerciaux : ils viennent te faire causette - uniquement dans le but de t’exposer soudainement leurs produits au détour de la conversation. Infatigables? Certes... mais pas méchants : ils font partie intégrante de la cité.
D'autres se montrent moins oppressants/entêtés, mais jonchent le pavé de l'ensemble de leurs artefacts. Près de notre hôtel, des vendeuses de rue cousaient à la main des bracelets, sur des minuscules tabourets, les unes près des autres afin de continuer leurs bavardages. Sans doute une manière de passer le temps tout en poursuivant leur activité manuelle.
Il faut dire qu'à Carthagène, coudre est une activité courante et assez appréciée. En plus de ses marchandes, les merceries et autres magasins de tissus qui se regroupent dans la “calle de la carretas” sont très prisés (sans grande surprise par des femmes…). Elles proposent un grand nombre de tissus à moindre coût afin que ses clientes constituent leur propre création.
Enfin, pour de l'artisanat en tout genre "las Bóvedas" est le lieu incontournable à visiter. Là-bas divers accessoires en maille sont vendus ainsi que de la broderie fait-main ou en machine. A l'allure des objets, on devine que les mêmes fournisseurs sont passés par là (voir paragraphe plus haut sur les tribus autochtone citées). Pour quelle raison ? Les savoir-faire artisanaux, patrimoines du pays sont de moins en moins répandus parallèlement à une industrialisation du pays qui elle, se montre de plus en plus dynamique.
Selon l'OMPI (l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle), la Colombie recense 350 000 artisans, 60% sont originaires des milieux ruraux autochtones et 65% sont des femmes.
En Colombie, l'organisme Artesanías de Colombia est chargé de promouvoir l'art et l'artisanat du pays. Le but est de protéger les artisans de toute reproduction de leur création, les aider à se développer tout en préservant des savoir-faire perpétués depuis des générations. C’est pourquoi, nous voulions nous rendre dans l’un de ses locaux. Malheureusement, nous avons découvert que l'annexe à Carthagène a été supprimée. Mauvais signe pour l'organisme pourrait-on se dire mais que nenni : ils participent à nombre d'événements arts, mode et textile. Ils étaient par exemple présents au salon Expomaloca à Villavicencio ce 2 février tandis que le 19 février à venir, ils organisent une journée "Marque et Droits d'auteur". Leurs autres annexes se situent à Bogota et Medellín.
UNE SOURCE D'INSPIRATION POUR LES BOUTIQUES DE LUXE
Qui dit tourisme dit shopping. A Carthagène, en tant que grandes amatrices nous étions servies... mais le souvenir de nos bagages bondés d'affaires aura eu raison de nos frénésies d'achat. (N'ayez crainte, nous avons pu nous rattraper sur la gastronomie! 😉).
Dans le quartier historique, vous trouverez pléthores de magasins de luxe. Nous y avons découvert SÁNCTE une boutique qui commercialise des vêtements en lin éthiques fabriqués à Carthagène. En entrant, la boutique vous plonge dans un univers mixant naturel et bien-être. La vendeuse nous a expliqué que le lin reste une fibre très éco-responsable car elle ne requiert pas de système d'irrigation complexe seulement l'utilisation de l'eau de pluie - qui n'en manque pas, surtout pendant la saison des pluies... et après notre expérience à Medellín niveau arrosage, on peut dire que le pays est servi ! De plus la fibre ne demande pas d'utilisation de pesticides et comme la marque n'a pas recours à la teinture, le lin reste 100% naturel.
Des concept-stores rassemblent plusieurs marques de designers locales, un peu comme pour promouvoir un luxe à la colombienne unifié et fort qui fonctionne sur les mêmes thématiques : les valeurs et influences artisanales colombiennes, un design épuré et moderne ainsi qu'un besoin de correspondre à une éthique environnementale et sociale. Cet esprit collectif, nous l'avons retrouvé à St Dom, une boutique située en plein centre historique. Elle "regroupe plus de 150 marques colombiennes en son sein" déclare un vendeur en nous accueillant dans le magasin. Nous y retrouvons Andrea Landa et Baobab -marques que nous avions déjà découvertes auparavant à Medellín - mais aussi MLRR. Cette dernière revisite le tricot fait-main pour créer des pièces uniques tout en employant des femmes mères de famille.
En nous promenant dans le quartier de San Diego, nous avons découvert La Serrezuela, un centre commercial architectural anciennement arène de corrida qui aujourd'hui regroupe des boutiques de luxe. L'ambiance qui y règne est surprenante : le peu d'affluence nous a donné l'impression de nous balader dans un établissement totalement privé et exclusif. C'est à se demander si les boutiques connaissaient vraiment le succès escompté (mais après un bref échange avec du personnel, il semblerait que oui..). Dans le concept store Malva, nous avons eu un petit coup de cœur pour les sacs de Claudia Akel inspirés des mochilas wayúu. L'accessoire est moderne : un mélange de différentes matières et couleurs allié à une broderie fine et délicate.
CONCLUSION ET RESSENTI
Nous avons beaucoup apprécié la mise en avant de l'artisanat colombien à Carthagène, aspect qu'on a moins retrouvé à Medellin dont le textile était plus industriel et commercial.
Malgré tout, l'artisanat nous a semblé davantage utilisé comme un moyen de promotion, plus qu'un vrai gage de qualité des produits proposés. Certains sont souvent reproduits et vendus en masse. Il nous paraît meilleur, dans ce genre de situation, de faire attention aux produits que l’on souhaite acheter et prendre plaisir à chercher la pièce originale.
D'autre part, le développement des boutiques de luxe en concept-stores nous a semblé intéressant bien qu' encore majoritairement basé sur le tourisme et sa forte saisonnalité. De fortes inégalités de richesses persistent, le secteur du luxe est encore réservé à l'export tandis que la demande interne achète à bas prix.
Adresses citées:
- Las Bóvedas (emplacement: rempart de Carthagène)
-Calle de la carretas: Carrera 7
-SÁNCTE: à retrouver sur instagram @_sancte_ pour plus d’informations.
-St Dom: Cra. 3 #3370, Carthagène et à retrouver sur instagram @stdomcartagena
- La Serrezuela : Cra. 11 ## 39-21, Carthagène et à retrouver sur instagram: @laserrezuela
Sources: Artesanías de Colombia, OMPI
C'est sûr qu'il y a de quoi craquer ! Merci beaucoup pour vos messages d'encouragement ! 😊😍
Sublime, je serai partie avec les bagages vides, et alors quelles plaisirs j'aurais eu à les remplir.😍😍
Merci de nous partager cette passion culturelle.
Hâte de lire le prochain article 😉😉
Bravo !!! Une réelle passion de lire vos aventures culturel...👍