En tant que photographe et créatrice de contenu, je suis constamment attirée par les magnifiques intérieurs et l'architecture qui m'entourent. Cette passion m'a conduit à partager mon amour pour l'art et le patrimoine européen sur ma page Instagram @bonvoyagecleo. Originaire de Lorraine, je suis profondément attachée à l'Art nouveau, ma ville natale étant le berceau de l'École de Nancy. C'est pourquoi, j'étais ravie de collaborer avec l'office du tourisme catalan en France qui m’a proposé une expérience de voyage sur mesure, un week-end prolongé, pour explorer la version catalane de l'Art nouveau, également connu sous le nom de « Modernismo » en Catalogne.
Malgré ses différentes appellations (« Liberty » en Italie, « Modern Style » en Angleterre, « Art nouveau » chez nous), les caractéristiques de ce mouvement sont similaires dans chaque pays : l'utilisation du thème de la nature, avec des fleurs, des animaux et des créatures fantastiques inondant les façades des édifices et les transformant habilement en contes de fées ; la préférence pour les rythmes souples des courbes et de leurs variantes, comme les tourbillons et les spirales (et les fameux « coups de fouet ») et enfin, l’ignorance des proportions et de l'équilibre symétrique, ce qui conduit à la rupture de la forme et du rationalisme architectural. Lorsque l'on regarde un bâtiment du modernisme catalan, on est frappé par les rythmes « musicaux », par la majesté du bâtiment qui se développe en hauteur ou en largeur, et par la forme douce, ondulée et sinueuse, qui donne vie à un matériau rigide et froid comme la pierre mais aussi la brique et le fer.
Entre 1900 et 1912, de véritables chefs-d'œuvre architecturaux ont été construits, commandés par la riche bourgeoisie de l'époque. Chacun voulait montrer sa richesse et son prestige social par l'originalité et le caractère spectaculaire de l'édifice, devenu le symbole et le reflet de la puissance du propriétaire.
Le maître incontesté du Modernisme catalan est Antoni Gaudí. Mais au-delà de la célèbre Sagrada Familia, déjà visitée lors d'un précédent voyage, la Catalogne a davantage à offrir ! Guidée par des locaux passionnés, je me suis lancée sur la route du Modernisme catalan, principalement à Terrassa et à Reus, deux villes qui ont connu un succès industriel notoire, l'industrie textile avec la laine pour l'une, et l'industrie agricole avec l'alcool pour l'autre, et qui nous laissent encore découvrir de nombreux trésors modernistes notamment ceux de Domènech i Montaner, un autre des pères du Modernismo.
JOUR 1 — TERRASSA
Ma journée à Terrassa a été une plongée immersive dans le riche patrimoine de cette charmante ville catalane. Au XIXe siècle, pendant la révolution industrielle, elle a joué un rôle central, abritant de nombreuses usines de textiles de laine. Les vestiges de cette époque sont omniprésents, notamment à travers des bâtiments emblématiques, tels que la Masia Freixa, le vapor Aymerich Amat i Jover (aujourd'hui transformé en Musée de la Science et de la Technique de Catalogne), le théâtre Principal, la mairie, la maison-musée Alegre de Sagrera, l'École industrielle, le Grand Casino, le parc de Desinfecció et le marché de l’Independència.
Terrassa est fière de son héritage et fait partie du Réseau Art Nouveau européen, créé en 1999 pour préserver et mettre en valeur ce mouvement artistique.
Après avoir déposé ma valise à l'hôtel « Petit Luxe », le bien nommé, je suis allé au théâtre Principal, juste à côté. J'y ai eu l'occasion de savourer un délicieux fromage local, plongeant ainsi dans les saveurs authentiques de la région.
J'ai eu ensuite la chance de découvrir des trésors architecturaux tels que la Casa Alegre de Sagrera, autrefois une résidence bourgeoise transformée en musée. Construite au début du XIXe siècle, cette demeure conserve encore les peintures murales originales de l'époque, ainsi qu'un mobilier d'origine, des collections d'art et bien d'autres merveilles. Elle a été rénovée en 1911 dans le style éclectique de l'époque, inscrit dans le courant moderniste. Les balcons en fer forgé au premier étage, les fenêtres en galerie au second, les reliefs de la façade, et le plafond ornemental de la salle à manger sont autant d'éléments remarquables signés par des artistes tels que Josep Puig i Cadafalch et Alexandre de Riquer.
Ensuite, je suis montée à la Torre del Palau, le seul vestige du château-palais de Terrassa, qui offre des vues panoramiques spectaculaires sur la ville. Au fil des ans, cette tour a eu de multiples fonctions, abritant des bureaux municipaux, des archives, et même une prison. On peut d’ailleurs y trouver des gravures réalisées par d'anciens prisonniers, laissant une trace aussi insolite que fascinante de l'histoire de cet endroit.
Lors d'une agréable promenade à travers la ville, j'ai découvert d'autres lieux emblématiques, notamment l'hôtel de ville de Terrassa, un édifice majestueux qui témoigne du raffinement architectural de l'époque. J'ai également admiré la Société Générale d'Électricité, la pharmacie Albiñana, et l'intérieur du marché de l'Independència. Chacun de ces lieux reflète la prospérité et l'élégance du modernisme à Terrassa.
La ville est aussi réputée pour ses traditions et singularités, telles que les tours humaines des « minyons », un spectacle de courage et d'adresse qui fait la fierté de la cité. Le dragon de saint Georges, le saint patron de la Catalogne (et de ma région natale, la Lorraine), est également célébré avec passion. Les géants, des figures colossales portées par des habitants costumés, défilent lors de festivités locales, ajoutant une touche de magie à l'atmosphère de la ville. On m'a également parlé de l'importance de la laine dans l'histoire de Terrassa, ainsi que de la boisson « Modernista », une sarsaparilla, qui a fait fureur à l'époque moderniste que j’ai pu goûter chez « Tecavins ».
La visite de la Masia Freixa, bâtiment d'inspiration gaudienne, a ravi mes pupilles. Avec ses profils arrondis et ses arcs paraboliques, il est une perle du patrimoine moderniste de Terrassa. Construite entre 1905 et 1910 par l'architecte Lluís Muncunill i Parellada, il était, à l'origine, une ancienne usine textile avant qu'elle ne soit transformée en résidence familiale puis en conservatoire. La municipalité a acquis la propriété en 1959, et ses jardins sont devenus le premier parc public de la ville.
Ma journée s'est achevée par la visite d’un autre bâtiment de Lluís Muncunill i Parellada, le Museu Nacional de la Ciència i la Tècnica de Catalunya (MNACTEC), situé dans l'emblématique Vapor Aymerich, Amat i Jover, une ancienne usine textile. Construite entre 1907 et 1908, elle est aujourd'hui un bien culturel d'intérêt national. Elle témoigne de l'importance de l'énergie à vapeur dans l'industrie textile de l'époque, avec des machines encore en fonctionnement. Néanmoins, la beauté du bâtiment se révèle pleinement lorsque la nuit tombe. Des lumières éclairent l’intérieur de l’édifice, créant une ambiance mystique et captivante. Le spectacle semble incroyable depuis la terrasse du restaurant du musée, accessible à tous et visible sur la plupart des cartes postales représentant le musée !
JOUR 2 — REUS
Reus, la perle de la Costa Daurada ! Le cliché est facile mais lequel autre utiliser ? Vous ne pouvez pas imaginer la beauté de cette ville, surtout lorsqu’elle revêt ses habits de Noël. Une révélation, un véritable festin pour les sens, yeux, odorat, ouïe, goût…
Dès mon arrivée, j'ai été frappée par l'atmosphère jeune et vibrante de Reus, surtout le samedi soir. Les rues animées semblent respirer la bonne humeur. Il est vrai, comme me le rappelle mon guide, la ville est deuxième plus grande et influente de Catalogne !
Cela est sans doute dû à sa riche histoire. Entre le XVIIIe siècle et le Modernismo, Reus était au sommet de sa gloire grâce à son commerce florissant de son eau-de-vie, alors renommée dans le monde entier. Reus était également un acteur majeur dans le négoce de l'huile d'olive, du vin et des fruits secs. On disait même que Barcelone contrôlait le nord de la Catalogne tandis que Reus régnait sur le sud ! Les familles les plus riches (plus de trente-cinq quand même !) y ont fait construire des maisons étonnantes et colorées, chacune offrant des indices sur la profession de son propriétaire et sa place dans la société. Une époque dorée qui continue de se refléter dans les rues de la ville, notamment à la Plaça de Prim, l'un des endroits les plus animés. Aujourd’hui, Reus est une grosse productrice de noisettes … qu’on retrouve notamment dans les produits Ferrero !
En me promenant, j'ai découvert pas moins de vingt-six édifices modernistes, tous marqués d'une plaque dorée indiquant l'architecte et la date de construction. C'était comme une chasse au trésor architecturale !
Pépite parmi les pépites, la Casa Navàs est un véritable chef-d'œuvre du modernisme catalan. On la doit à l'architecte Domènech i Montaner, maître incontesté du genre, qui a également conçu l'institut Pere Mata. Avec ses 200 mètres carrés de vitraux et son mobilier d'origine conçu par des artisans de renom, cette merveille surnommée la « guapa del mercadal » (« la belle du marché ») témoigne de la richesse et de la créativité de l'époque. La maison conserve sa décoration d'origine, telle que conçue par les maîtres de l’époque : Gaspar Homar, Alfonso Juyol, Antoni Rigalt, et Lluis Bru. Bref, la Casa Navàs offre une plongée dans l'opulence du modernisme catalan. Un vrai coup de cœur
Reus est également fière d'être la ville natale d'Antoni Gaudí (1852-1926). Même si celui-ci a principalement œuvré à Barcelone, le centre qui lui est dédié offre un aperçu fascinant de la vie et de l'œuvre de ce génie de l’architecture (« un génie ou un fou », s’interrogeait son directeur d’école !). Reconstitution de son atelier, maquettes, projets avortés et même son utilisation des gens ordinaires et de son entourage comme modèles pour ses œuvres, témoignent de la richesse de son imagination.
Ainsi, j’ai été surprise d’apprendre que Gaudi avait conçu un projet ambitieux pour la ville de New York, qui aurait pu changer complètement le paysage urbain de la Big Apple. Malheureusement, celui-ci n’a jamais été réalisé, mais il témoigne de la créativité débordante de Gaudí et de sa vision avant-gardiste de l'architecture.
Ma visite du centre s’est achevée par une dégustation de vermouth. Pour mieux goûter à l’art de vivre selon Gaudi, celle-ci se déroule sur la terrasse. Alors que la ville étale ses splendeurs à nos pieds, on s’imagine discutant nonchalamment avec l’artiste !
La magie des lieux, son atmosphère ajoutent aux délices de ce nectar délicat, à base de vin, d’alcool et de plantes aromatiques. Précisons que toujours fabriqué de manière ancestrale, il est le fruit du travail et de l’expérience de six générations de producteurs ! Plus de trente entreprises le fabriquent encore ! Cette boisson (au nom allemand mais d’origine italienne) était particulièrement appréciée par la bourgeoisie à l’époque du Modernismo !
Vous l’avez compris : aucun séjour sur la délicieuse Costa Daurada ne serait complet sans goûter au traditionnel vermouth. Avec modération, évidemment !
Enfin, notre journée s'est conclue par une visite à l'hôpital de Pere Mata, une autre création de l'architecte Domènech i Montaner. Cet hôpital psychiatrique (toujours en activité) est un véritable bijou du modernisme européen, avec son architecture remarquable et ses détails artistiques époustouflants. L'une des parties visitables est le pavillon connu sous le nom de "Dels Distingits" (des Distingués), qui arbore une grande richesse ornementale avec ses mosaïques, céramiques, et son mobilier original.
Après cette journée bien remplie, j'ai pris le train à la gare de Camp de Tarragone, située à quelques dizaines de minutes de Reus, pour me rendre à Barcelone.
JOUR 3 — BARCELONE
Barcelone, troisième jour de mon exploration catalane, offre un cocktail foisonnant de trésors architecturaux et d’anecdotes historiques fascinantes. Après un rapide trajet en train de quarante-cinq minutes, me voilà au cœur de cette métropole méditerranéenne, prête à plonger dans le Modernisme catalan.
Déjà éblouie par les réalisations de Lluís Domènech i Montaner à Reus, avec la Casa Navas et l'hôpital Pere Mata, j’étais impatiente de découvrir ses œuvres emblématiques dans sa ville natale. Ma première destination est « Sant Pau Recinte Modernista », également connu sous le nom de l'hôpital Sant Pau. Pour s'y rendre, il suffit de prendre la ligne 4 du métro jusqu'à l'arrêt « Guinardó-Hospital de Sant Pau ». Construit entre 1905 et 1930, cet ensemble moderniste était à l'origine une cité-jardin conçue pour accueillir les malades. Après un siècle de service en tant qu'hôpital public, les pavillons ont été rénovés pour briller de nouveau dans toute leur splendeur. Ce site est un témoignage remarquable des avancées hygiénistes de l'époque et de l'engagement social et sanitaire de l'institution. Inscrit au Patrimoine Mondial de l'Humanité par l'UNESCO en 1997, il est aujourd'hui le siège de plusieurs organismes internationaux, ajoutant une nouvelle dimension à son héritage.
Deuxième étape au Palau de la Música Catalana, cet autre chef-d'œuvre de Domènech i Montaner situé dans le quartier Saint-Pierre. Construite entre 1905 et 1908, cette salle de concert est un exemple remarquable de l'innovation architecturale de l'époque, avec sa structure métallique audacieuse et ses éléments artistiques variés. Son financement par le mécénat en fait un symbole de l'engagement de la société catalane pour la musique. Comme l'hôpital Sant Pau, il a été inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1997.
Afin de simplifier mon exploration du Modernisme catalan, j’ai opté pour la Barcelona Card Modernista, un pass qui permet de visiter dix des sites modernistes les plus importants de la ville (économie jusqu’à 50%). Cerise sur le vermouth : les transports publics sont compris dedans (jusqu’à l’aéroport même !). Bien que notre séjour se soit principalement concentré sur l'œuvre de Domènech i Montaner et accessoirement sur Gaudi, ne manquez surtout pas l’occasion d'admirer les créations de Puig i Cadafalch, un autre architecte incontournable du Modernisme catalan !
Après ces visites impressionnantes, le temps m’a manqué pour explorer d'autres trésors modernistes. J’ai donc déambulé à travers les ruelles du quartier gothique, découvrant au passage la bibliothèque Ateneu, une belle surprise pour moi qui adore photographier les lieux de savoir en tout genre ! Construit en 1796, cet édifice inspiré des palais gothiques catalans a été rénové au fil des décennies pour devenir un site culturel d'intérêt national.
J’ai terminé ma journée avec une tasse de chocolat chaud à l'hôtel Cotton House, profitant d’une autre magnifique bibliothèque.
Ce séjour, s’il a été très bref, néanmoins m’a permis d’appréhender l’héritage moderniste de la Catalogne. Une multitude de pépites qui méritent d’autres séjours. Surtout si l’on veut, en outre, profiter de l’art de vivre de ses habitants. Tornaré, t'ho prometo … Je reviendrai, promis !
HOTELS ET RESTAURANTS :
Terrassa :
Hôtel :
Petit Luxe — Carrer del Teatre, 3 — tel : +34 935 14 12 21
Restaurants :
La Cocteleria del Principal — Plaça de Marshall, 2
La Terrassa del Museum Nacional de ma Ciència I la Tècnica de Catalunya — Rambla d’Ègara, 270
Cave :
Tecavins - Rambla d'Ègara, 273 — tel : +34 638 39 75 87
Reus :
Hôtel : Hotel Centre Reus — Carrer de l'Hospital, 6, 8 — tel : +34 977 12 64 14
Restaurants :
Restaurante Museo del Vermut — Restaurante Museo del Vermut — tel : +34 977 34 23 12
Terrassa Gaudí — Plaça del Mercadal, 3, 4ª Planta — tel : +34 977 49 42 04
Barcelone :
Hôtel : ZT The Golden Hotel Barcelona — C/ d'Àvila, 135 — +34 934 83 38 76
Bar de l’hôtel Cotton House — Gran Via de les Corts Catalanes, 670 — +34 934 50 50 45
Voyage en collaboration avec l'office du Tourisme de la Catalogne.
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