Texte écrit en 2017.
Le doigt dans la bouche elle repense aux mannequins immobiles croisés aux abords des larges vitrines du boulevard Haussmann. Ni belle ni fine. L'âge a déjà flétri sa peau légèrement plus pâle. Ses yeux coulent un peu, et son mascara, qui démontre cette volonté de coquetterie en cette heure un peu tardive de la journée, s’est répandu sur ses joues rondes. Ces dernières ont adopté un rouge vif.
Sa tête à l’envers, elle tient d'une main tremblante une mèche de ses cheveux. De l’autre, elle n’use que deux doigts, le pouce étant rangé. Son membre ainsi plié ressemble à un code que se feraient des enfants dans la cour de récré' de manière furtive et saccadée. Elle le plonge dans les profondeurs de sa gorge, répétant une agitation qu’elle connaît par cœur. Elle fait vibrer son ventre comme pour en racler le fond.
Puis vient le moment fatidique. Celui de comparer l’avant après dans le miroir, de constater la délivrance d'un poids qu’elle n’a su assumer. Comme un avortement deux à trois fois quotidien dont elle a pris l’amer saveur. Il lui semble maintenant que réapparaissent un peu ses côtes, et qu'en rentrant son ventre jusqu'à l’étouffement elle peut revoir en elle la jeune fille d’il y a quelques années. Son visage à demi démaquillé, est l’ultime cicatrice physique de l’acte qu’elle vient d’opérer.
Un coup à la salle de bain, bien se brosser les dents, mettre du savon sur ses mains, enlever le noir de sous les yeux et attendre que le ventre appelle à l’aide d'un gargouillement frénétique.
Mais une seule pensée la traverse. Celle que lui a soufflé, parents et amis. Un avis sombre, que par un seul sourire -ultra bright- et d'un regard teinté de bleu, a jeté au loin notre belle société.
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