L’Orient-Express, la légende reprend v(o)ie

Constance
23 oct.
3 min de lecture

L’Orient-Express est à l’honneur depuis hier dans l’exposition la plus attendue de l’année. Le musée des Arts décoratifs vient d’inaugurer « 1925–2025. Cent ans d’Art déco », hommage vibrant à un siècle de création et à un train mythique qui, plus qu’aucun autre, incarne le luxe à la française. Je n’ai pas encore eu le temps d’explorer cette exposition, mais j’ai eu, en septembre, un avant-goût de ce voyage hors du temps.

Pendant les Journées du patrimoine, j’ai eu en effet la chance de visiter une rame historique stationnée voie 20 à la gare d’Austerlitz ... non sans batailler pour décrocher une place (il fallait passer par l'application Affluences et non le site !). Sept voitures d’époque, dont quatre classées monuments historiques, y étaient exposées. Bleu nuit à liseré doré, moquettes épaisses, fauteuils en velours : dès les premières marches, la magie opérait. Le temps semblait suspendu.

Chaque voiture porte un nom évocateur : Taurus, Riviera, Train Bleu, L’Étoile du Nord, Anatolie. Des noms qui respirent le voyage et les soirées feutrées. La Taurus a même servi de décor au film Le Crime de l’Orient-Express, lorsqu’Hercule Poirot monte à bord à Alep. Et ces wagons n’ont pas transporté que des personnages de fiction : Marlene Dietrich, Léon Tolstoï, Lawrence d’Arabie, et même Mata Hari, peu avant son arrestation, ont foulé leurs couloirs.

La Flèche d’Or, décorée par René Lalique, est sans doute la plus célèbre. L’artiste y a marié acajou de Cuba et naïades en pâte de verre, dans une harmonie sensuelle et lumineuse. C’est dans cette voiture que Grace Kelly aurait voyagé avant son mariage à Monaco. D’autres wagons portent la signature de René Prou, maître du mobilier Art déco, avec ses marqueteries d’étain et ses motifs exotiques. Ensemble, ils racontent un âge d’or où le confort se faisait chef-d’œuvre.

Ces « palaces roulants » traduisent la perfection de l’Art déco jusque dans le détail : pieds de lampes lestés pour résister aux secousses, œils-de-bœuf permettant d’aérer les compartiments, tissus et vaisselle dessinés par Suzanne Lalique, la fille du maître verrier. La rame restaurée entre 2015 et 2019 par des artisans d’art a redonné vie à cet esprit de raffinement total, né dans les années 1920.

Un siècle plus tard, le musée des Arts décoratifs rend hommage à cette légende. Sous sa grande nef, on découvre une cabine d’origine et trois maquettes monumentales du futur Orient-Express, imaginé par l’architecte et designer Maxime d’Angeac. Le train, attendu sur les rails en 2027, perpétuera cette exigence du beau et du fonctionnel : chaque élément, du luminaire à la poignée de porte, est conçu sur mesure par les meilleurs savoir-faire français.

Cette renaissance, portée par Accor depuis le rachat de la marque en 2022 et renforcée en 2024 par un partenariat avec LVMH, s’inscrit dans une vision plus large : celle d’un art de vivre à la française déployé sur les rails, en mer et dans les hôtels. Preuve que la légende ne dort jamais vraiment.

Et comme un écho à cette permanence, on se souvient que le Calais-Méditerranée-Express, plus connu sous le nom de Train Bleu, doit son surnom à ses voitures bleu nuit soulignées d’un filet doré ... un clin d’œil passé dans le langage parisien, puisqu’il a inspiré le nom du restaurant de la Gare de Lyon. L’Orient-Express n’est donc pas qu’un souvenir : il reste ancré dans notre quotidien, dans nos imaginaires, et désormais dans les salles du musée.

Entre la rame historique présentée en septembre et celle qui brille aujourd’hui au MAD, un même fil d’or relie passé et futur : celui d’un rêve français, né du voyage, du raffinement et d’une élégance qui, décidément, ne passe pas de mode.