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L'Excelsior se dénude (Nancy)

Véritable institution nancéienne, l’ « Excel » ou le « Flo », comme les habitués l’appellent, est un chef-d’œuvre de l’Art nouveau avec une touche d’Art déco. On croyait tout savoir de cette vieille dame née, en 1911, du désir de Gustave Moreau, brasseur à Vézelise. Pourtant, en ce début d’année 2023, elle se (re)découvre devant le regard des touristes éphémères ou vieux nancéiens familiers !





Depuis plusieurs décennies, une rumeur folle planait sur l’Excelsior. Derrière l’immense miroir à pans de la grande salle, se cacherait une fresque, peut-être bien signée « Emile Friant ». Les plus anciens dépeignaient, à qui voulaient bien l’entendre, l’œuvre qu’il avait admirée dans leur prime jeunesse. Les experts y allaient aussi chacun de leur hypothèse. Pour d’autres observateurs avisés, la toile aurait bien existé, cependant un collectionneur anonyme l’aurait récupérée, on ne sait trop quand, ni comment. Seule certitude, encore que certains la contestaient : la famille Moreau, ancienne dynastie de brasseurs lorrains, à l’origine de cette grande brasserie à la mode parisienne, avait passé une commande à un artiste.

Nous voici donc en janvier 2023. Certaines plaques du miroir bougent sérieusement. Pour une question de sécurité, deux d’entre elles sont déplacées pour mieux les refixer. Et là, stupéfaction. Un bout de fresque apparaît, avec une signature, celle de l’artiste René Emmanuel (Saint-Mihiel, 1892- Nancy, 1963). Aussitôt, il est décidé de tout enlever. Une opération organisée par l’enthousiaste et dynamique directeur de l’établissement, Éric Gérard.

Les miroitiers, qui s’affairent à démonter le miroir, sont les premiers à voir (ré)apparaître les prémices du fameux dessin. Une surprise.

Effectivement, l’œuvre se dévoile sur 14 mètres carré … en même temps que les personnages. Une serveuse, chemisier tendu sur ses seins, tient une chope, tout comme, autour d’elle, trois petits anges. Deux sont assis sur un tonneau aux armes de la brasserie Moreau de Vézelise, à l’origine de l’Excelsior en 1910. L’usine est représentée à droite de la fresque. Au milieu, un couple d’angelots s’embrasse, alors qu’un autre, venu des cieux, sert une femme nue, de profil.

Une scène typique, aussi joyeuse que colorée, des années 1920. Elle n’en restait pas moins provocante aux yeux des plus pudiques, « voire des plus pudibonds », souligne Bertrand Munier, historien, auteur du livre référence sur l'établissement.

Cette scène grivoise a particulièrement choqué les sœurs du couvent voisin de Saint-Léon, contraignant l’artiste à couvrir les personnages d’abord de fleurs (en témoigne une esquisse), puis de miroirs - la scène alors se perdant parfois dans la mémoire des uns, résistant dans celles des autres.

Réné Emmanuel, petit-fils du peintre-décorateur, a toujours su la vérité. Il raconte à L’Est Républicain : « Je savais qu’il y avait derrière le miroir une œuvre de mon grand-père ! Après la Libération, alors que j’avais environ 15 ans, je l’ai accompagné pour faire des raccords et quelques retouches ».

Il a pu observer, non sans émotion, la « remise en service » du trésor, qu’il pensait, en vérité, ne jamais revoir. Et maintenant ? La DRAC s’empare bien évidemment du dossier afin de s’assurer que la fresque soit dignement rénovée et retrouve ses couleurs d’antan. En attendant, même si elle présente quelques fissures et trous, notamment aux points de fixation de l’armature de bois sur laquelle reposaient les panneaux du miroir, chacun peut aller l’admirer. Sans modération désormais.


L’Excelsior, pour les nuls

1910 : C’est au cours du conseil de surveillance du 12 février de cette année-là de la Société Moreau et Cie, brasserie située à Vézelise, que Louis Moreau décide de créer à Nancy un autre établissement dans la tradition des grands cafés de la Belle Époque, véritable vitrine de luxe de ses produits - et lieu de débit exclusif, ainsi que l'ont déjà fait les brasseurs de Champigneulles et de Charmes.

1911 : Ouverture de la brasserie Excelsior dans le prolongement de l’Hôtel d’Angleterre. Cet ensemble décoratif unique est le fruit de la collaboration exemplaire entre Louis Majorelle (mobilier en acajou massif de Cuba, lambris en tamarinier, lustres et appliques en cuivre ciselé), Jacques Grüber (dix verrières serties dans un châssis de cuivre que peignent cabochons de pâtes de verre et feuillages aux thèmes naturalistes typiques de l’époque) et Antonin Daum (trois cents becs lumineux de Daum éclairent les voussures du plafond où serpentent de grandes fougères). Les architectes sont Alexandre Mienville et Lucien Weissenburger.

1931 : Extension du Grand Hôtel d’Angleterre et du Grand Café de l’Excelsior qui se voit doté d’une deuxième entrée, de deux nouveaux salons au rez-de-chaussée, et d’une salle de réception à l’étage inférieur. Le style Art déco s’ajoute à celui Art nouveau.

1972 : La brasserie devient la propriété de Stella Artois, société brassicole belge.

1976 : Les façades, toitures et la salle de la brasserie, avec son décor du rez-de-chaussée, sont classées Monuments historiques par un décret du 22 juin. Quelques années plus tôt, l’Excel avait failli disparaître lors des restructurations prévues dans le quartier de la gare, notamment pour la construction de la tour Thiers, juste en face.

1987 : La brasserie passe dans les mains du groupe Flo du Strasbourgeois Jean-Paul Bucher.

2016 : Rachat par le Nancéien Jean-Noël Dron, président et fondateur des Grandes Brasseries de l’Est, groupe multi-enseignes de restauration commerciale (Maison Kammerzell et Ancienne Douane à Strasbourg, brasserie Excelsior à Reims, brasserie Floderer et Bouillon Julien à Paris, etc.).





Informations pratiques Complémentaires

Située au 50 Rue Henri-Poincaré à Nancy (devant la gare);

Brasserie ouverte tous les jours de 08h à 23h (dimanche ou lundi) ou 00h30 (autres jours de la semaine);

Panneau d'affichage des trains connecté disponible dans l'enceinte de l'établissement.


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